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les récits d Heliette

28 juin 2005

Namaskaar ! Ceci est la première édition

Namaskaar !

Ceci est la première édition officielle du journal de voyage que j'ai appelé
: 'The Book of Indian Paths'. Pourquoi un titre anglais ? Ben, pourquoi pas
?

Pendant mes pérégrinations estivales vous n'aurez certainement pas
l'intégralité du journal en question. Ceux qui me connaissent bien savent
que j'écris au kilomètre et ceux qui ont voyagé avec moi (Laurent, Eli, oh
là, la liste est longue...) savent aussi que je passe chaque soir environ
deux heures à écrire. Les autres, imaginez : je me balade toute la journée
avec un petit carnet dans lequel je note les impressions, les anecdotes, les
détails qui me surprennent. C'est un aide-mémoire que j'épluche ensuite à la
lueur de ma lampe torche pour rendre dans le détail le déroulement de ma
journée. J'adore ce moment où tout le monde est endormi et que je suis la
seule à veiller, usant de l'encre et du papier avec un sourire aux lèvres.
C'est épuisant. Je rentre de voyage sur les rotules. Mes nuits de sommeil
sont courtes. Et pourtant, je suis incapable de me coucher sans avoir écrit.
Le résultat se trouve chez moi : carnets de voyage détaillés imprégnés du
quotidien d'un ailleurs, avec les photos autour du texte - de véritables
livres.

D'ailleurs si vous jetez un oeil dans le magazine ART SUD début juillet,
vous y verrez un tout petit bout de mon journal du Népal - six à huit pages
de photos et de textes. Pour certains d'entre vous les photos sont déjà
familières. En octobre ce sera la Turquie. (C'était ma page de pub -
n'empêche que si vous écrivez au magazine parce que vous avez trouvé ça
bien, mes carnets de voyages seront publiés dans leur intégralité !!!)

Vous n'allez donc pas avoir TOUS les détails une fois que je serai partie.
Ce seront des anecdotes, un chemin à suivre sur la carte de l'Inde, des
histoires de rencontres... de temps à autre, une fois par semaine j'espère.
Vous pourrez m'écrire évidemment, ça ne fait pas de mal un peu de lecture !
Et ça m'évitera peut-être le choc incrédule du retour de mon deuxième voyage
au Népal : quoi, dix mille morts en France à cause de la canicule ? Cela
sonnait comme une mauvaise blague.

En attendant, voilà le premier chapitre, celui qui parle du mûrissement d'un
projet... L'année scolaire n'étant pas finie, les membres du collège Rose
Valland (collègues mais surtout élèves qui participent au projet sur l'Inde)
sont priés de rester discrets !

Ah, bien sûr, avec ce premier vrai mail que vous recevez je vous donne un
ordre d'idée de ce que je suis capable d'écrire quand j'ai des choses à dire
! Parce que là, ce mail, il n'est que modérément long. Je plaisante : les
autres seront plus courts, j'aurai moins de temps.

Mes au revoir sont différents en fonction de ceux à qui je les adresse : il
y a ceux que je serre dans mes bras avec amour (ma p'tite soeur Manon, ma
tante Baby), avec une vraie sincère profonde amitié (par ordre alphabétique
pour éviter les jaloux : Elisabeth, Estelle, Laurent, Patrice) ; les amies
que je n'ai pas vues depuis longtemps à qui j'envoie une révérence de ma
casquette à Whoopy - un vieux code de fac, faut pas s'inquiéter, les
concernées se reconnaîtront - ; les amis à qui je fais de gros bisous
chaleureux ; et mes élèves à qui j'envoie une bise. Tenez-vous-le pour dit :
ces salutations valent pour chaque mail que vous recevrez !

Je vous laisse en compagnie de mon début de journal. Bonne lecture...

The Book of Indian Paths

"On dusty roads I walked
And over mountains high
Through rivers running deep
Beneath the endless sky
Beneath these jasmine flowers
Amidst these cypress trees
I give you now my books
And all their mysteries"
(Loreena McKennit)

Samedi 29 janvier

Depuis hier, mes deux pieds sont fermement ancrés en Europe mais mon esprit
vagabonde en Inde. Une poignée de rêves parfumée aux épices, des images du
Népal qui me reviennent, l'envie de marcher au soleil... et de rencontrer
mes filleuls tibétains, enfin, au bout de quatre ans. Me plonger dans leur
réalité quotidienne si éloignée de la mienne. Après tout, je ne me suis
jamais demandé, moi, quel stratagème utiliser pour empêcher les éléphants de
saccager un champ cultivé !

Je pars deux mois. Deux options se présentent : soit un itinéraire un peu
fou qui me mènerait de Mumbai (Bombay) à Bangalore, Delhi, Katmandou, le
Solu Khumbu, et retour... soit un voyage totalement différent pendant lequel
je passerais une quinzaine de jours avec mes filleuls et un mois et demi
avec une ONG. Me rendre utile est plus important que de simples
pérégrinations, mais il faut que je creuse la question.

J'épluche la carte de l'Inde, le prix des vols, des trains... le cours de la
roupie... Avant tout, renouveler mon passeport, faire la demande de visa et
de permis de séjour dans le camp de Rabgayling. Trouver une cat-sitter pour
deux mois. Ne pas commencer à compter les jours.

Les ONG se comptent par centaines en Inde. Après le tsunami de décembre
dernier, elles se sont organisées sans le moindre délai. La région du Tamil
Nadu a déploré 8000 morts. C'est combien, huit mille ? J'imagine une
allumette par personne. Il me faudrait 800 boîtes. Le chiffre soudain est
plus palpable. Alors les 150 000 victimes de toute l'Asie ? On nous a noyés
sous les décomptes, sous les adjectifs - macabre, blessés, morts,
terrible...- et on nous a anesthésiés. Le poids des mots - le poids des
maux. Des images insoutenables qui deviennent banales à force d'être
exploitées en défilé. Je veux voir et comprendre la souffrance pour en tirer
de la compassion. Faire que ce journal ne raconte pas une série d'anecdotes
mais une expérience humaine profondément enrichissante. Donc, certainement,
douloureuse.

Mue par une curiosité tardive, je me demande : tiens, quelle langue
parle-t-on dans le Karnataka ? Et à Mumbai ?

La mâchoire m'en tombe.

En Inde, on ne parle pas moins de 1600 (pardon : MILLE SIX CENTS !!!)
dialectes, dérivés de 18 langues principales. Le hindi n'est compris que par
30% de la population, l'anglais par 5%... Dans le Karnataka, la langue
officielle est le Kannada. Ce qui veut dire qu'on parle aussi, ne serait-ce
qu'à Mysore, le Urdu, le Telugu, le Tamil, le Marathi, le Malayalam, le
Tulu, le Konkani et le Kodava ! Hilare, je poursuis mes investigations et
tombe sur le joli morceau de broderie qu'est le Kannada (*curieux : cherchez
sur le net !). Supposons qu'on veuille féliciter quelqu'un, on se retrouve à
bafouiller : "hrudhayapurvaka shubhashayagalu". Heureusement que j'ai appris
à lire avec la méthode syllabique. Je me constitue un petit lexique de base
avec les incontournables salutations et phrases de présentation. C'est joli
à prononcer ; et à entendre, c'est une bouillie de syllabes parfaitement
indissociables et incompréhensibles ! Et y a des choses...ben... je vais pas
les dire tout de suite spontanément : "namaskara, neevu hegidheera ?
Chennaghidene dhanyavadagalu. Nimmanu bheti madi santoshavayitu".

Lundi 14 février

Pour la Saint Valentin, certains s'offrent le restaurant, d'autres des
bagues de fiançailles... Moi je m'offre Paris-Bombay en solo. Il a été
vaguement question de partir à deux, avec Greg, mais même le vague est
devenu utopique. Si pour certains partir à l'autre bout du monde avec un sac
à dos paraît des rêves les plus fous, pour moi c'est ne pas partir qui
l'aurait été. Par conséquent je retiens de mes deux options de voyage la
deuxième. S'il faut que mon chemin soit solitaire, rien ne m'empêchera
d'avancer.

Après une matinée épique à tenter de joindre la compagnie Yemenia, je note à
toute allure les coordonnées que le type me débite : 580 euros pour le vol
aller-retour. Quand le type raccroche, je reste un moment songeuse devant
mes hiéroglyphes...

Départ de Paris le 24 juin à 9h30 - arrivée à Bombay le 25 juin à 4h du
matin ! J'vais être fraîche !
Retour de Bombay le 28 août à 18h30, arrivée à Paris le 29 août à 9h30...
Escales à Sanaa, au Yémen.

Je récupère mon passeport tout neuf. Pour une fois, je n'ai pas l'air d'une
frappadingue illuminée sur la photo. J'ai une bonne vieille tête de
baroudeuse.

28 avril

Je viens de créer la liste India Trek.

J'ai tendu quelques perches à des ONG à intervalles réguliers et fini par
recevoir une réponse de Bombay Leprosy Project, une ONG locale qui s'occupe
des lépreux dans les bidonvilles. Je leur avais écrit un mail qui
jaillissait du coeur : I want to see humanity before defformity and never
stop to appearance. Ils m'ont répondu dans les jours qui ont suivi. Ils se
disent prêts à m'accueillir dans leurs structures de Bombay et des environs
pour que je puisse travailler avec leur équipe paramédicale et faire un
reportage. Bientôt, le vrai défi pour mes concepts d'occidentale privilégiée
: comprendre l'insoutenable.

4 mai

Ma demande de visa vient de partir, l'enveloppe chargée d'une pelletée de
timbres. Puisque c'est aussi la journée paperasses en tous genres, j'envoie
mon formulaire pour obtenir le Protective Area Permit délivré par le bureau
du Tibet pour autoriser les étrangers à séjourner dans les camps tibétains.

Et puis je cherche à connaître mes plus mortels ennemis, ma plus grande
appréhension en fait : ça n'a ni pattes ni poils, ça rampe et la seule image
d'un de ces reptiles suffisait, quand j'étais petite, à me faire faire des
cauchemars... Parmi les 150 espèces qu'on espère ne pas rencontrer dans le
Karnataka, il y en a "seulement"une quarantaine qui est venimeuse, et quatre
sont mortels. Charmant quatuor qu'il s'agit de reconnaître pour
s'administrer l'anti-venin en cas de morsure. Voyons voir... Il y a ce
galopin de bungarus caeruleus (*curieux : le net !) qui a un venin quatre
fois plus mortel que le cobra, et des goûts de luxe : il adore se lover dans
les habitations, sous les couvertures. Le cobra noir, qu'on ne présente
plus. La vipère de Russell qui a presque l'air sympa : on ne meurt que 45 à
60 minutes après la morsure. Et cette vipère à écailles toute moche avec de
petits yeux mesquins et criminels, Echis carinatus, qui vit dans les champs
- et pourvu qu'elle y reste !

Et puis il y a les flying snakes. Des reptiles vert vif qui grimpent aux
arbres et hop ! se jettent dans le vide. Sans ailes ni pattes, faut le
faire. Ils ne sont que modérément venimeux mais j'imagine, par une douce
promenade dans une forêt indienne, me prendre un serpent sur la tronche...!

A part ça, j'ai lu que les tigres affamés font des raids en ville. Bombay,
en s'agrandissant, a englobé leur territoire. Résultat : les félins vont
faire leur shopping dans les bidonvilles ! Plusieurs morts par mois quand le
gibier se faire rare. Me voilà avertie : un gros chat avec d'énormes crocs
en centre ville ou un serpent acariâtre dans la campagne - dans la rubrique
rencontres indésirables.

Samedi 14 mai

Ne pas compter les jours, me dis-je avec un calendrier sous le nez. Ce matin
je reçois mon passeport avec le visa indien, très multicolore et
passablement inimitable. Et quelle rapidité ! Dix jours ! Qui a prétendu que
le consulat indien cultivait intensivement le poil dans la main ? Et tout en
même temps, une lettre de mon Tenzin Palden, tout enthousiaste, qui m'attend
avec impatience. Il me promet de me servir de guide dans le camp, dans les
monastères et à Bylakuppe. Sa famille m'attend. Ils ont peur de m'accueillir
dans leur petite maison modeste avec leur "toilet system not very good" au
cas où je serais habituée aux conditions de luxe mais je les rassure sur ce
point : s'ils y vivent au quotidien je vois mal pourquoi je n'y vivrais pas
aussi.

Soudain l'impatience s'installe. Depuis quatre ans et demi, Tenzin Palden
m'écrit presque tous les mois pour me donner des nouvelles. J'ai eu beau lui
dire qu'il était optimiste de m'appeler sa maman française (il vient d'avoir
14 ans, j'aurais été anormalement précoce !!) il continue de me dire qu'il
est mon fils. Et il le pense. Les Tibétains sont ainsi : ils vous adoptent.
Je commence à le savoir, j'ai au Népal une maman de 89 ans (elle aussi
optimiste...), un p'tit frère Pouchoung, une soeur Sonam, un papa de 79 ans,
un frère jumeau puisqu'il a mon âge. (Tiens, maintenant que j'y pense, une
mama turque m'appelle aussi sa fille depuis quelque temps, avec ses 73 ans
bien sonnés.)

Je vais donc rencontrer mon fils. Les liens qui se sont tissés au cours de
cette correspondance avec lui sont étonnants. Je vais aussi rencontrer un
autre petit frère, Tenzin Sangpo, qui est moine dans un monastère.

Je me prévois un voyage contrasté : d'un côté cette misère à laquelle je
m'attends en sachant que toutes les idées préconcues du monde ne me
prépareront pas au choc d'y être confrontée ; de l'autre la rencontre avec
ma famille tibétaine. Deux extrêmes en quelque sorte. On parie que je suis
blindée contre tous les aspects les plus durs et que je ne verserai pas de
sanglots en arrivant ? On parie que je vais fondre en larmes et pleurer tout
un canal quand je vais vivre ce bonheur de voir mes deux filleuls ?

Je n'ouvrirai plus ce journal avant le jour de mon départ. Ou peut-être la
veille...


Héliette

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28 juin 2005

Bonjour vous ! Ne croyez pas que je vais compter

Bonjour vous !

Ne croyez pas que je vais compter longtemps les épisodes, je vais finir par
m'emmêler les pinceaux...

J-7...

A mesure que la date du départ approche, que les flacons d'huiles
essentielles vont rejoindre les compresses dans la trousse de premiers
secours, que mon duvet me nargue roulé sur mon sac à dos, que les chats me
scotchent matin midi et soir comme si elles voulaient profiter de ma
présence tant que j'erre dans les parages, l'Inde semble devenir une chose
palpable. L'immensité de ce sous continent commence à m'écraser et me
poursuivre jusque dans mes rêves. Non pas que je craigne cet énorme bloc de
jaune sur ma planisphère, mais je me sens déjà frustrée de ne pouvoir en
parcourir qu'une partie ! Non, frustrée n'est pas le mot, je ne vais tout de
même pas oser me plaindre !

En mars 1930, le Mahatma Gandhi prenait son bâton de pélerin pour quitter
avec 79 volontaires son ashram près d'Ahmedabad et se rendre dans le petit
port de Dandi, à 388 km, pour accomplir ce geste symbolique qui lança le
mouvement de résistance non violente : ramasser une poignée de sel. Pour la
petite histoire exploiter et vendre le sel était interdit aux Indiens par le
gouvernement colonial britannique...

C'était il y a 75 ans. Cette année des milliers de personnes ont refait ce
chemin à la date anniversaire.

Vous me voyez venir, non ? J'emporte mes chaussures de marche et mon
matériel de rando. Je vais refaire la marche du sel. Toute seule comme une
grande, en demandant chaque jour l'hospitalité. A priori je me mettrai en
route le 1er août. Et ça me demandera une vingtaine de jours de marche. Je
n'ai jamais marché aussi loin ni aussi longtemps. Petit défi que je lance à
mon égo mais avec quand même une noble motivation : je porterai sur mon sac
un tissu avec la photo de Gandhi pour la résistance non violente, ainsi
qu'un drapeau tibétain bien entendu. Pour donner un sens à chacun de mes
pas.

Et je demanderai à mon filleul tibétain Tenzin Palden et à sa classe de
réaliser le drapeau que je porterai. J'adore ces petits liens qu'on crée
ainsi, le sens qu'on peut donner aux choses qui de prime abord n'en avaient
pas. Ou si peu.


En attendant, mon ami Rajesh et sa famille m'accueillent dès le jour de mon
arrivée. Je vais plonger dans le bain indien à peine le pied posé là-bas !
C'est à la fois génial et décalé, de ces décalages qu'on ressent quand on
atterrit brusquement dans une autre réalité et qu'on n'a pas encore fait les
réglages nécessaires - et puis ça bourdonne, l'attention tant sollicitée, le
coeur qui bat un peu plus vite parce qu'on est concentré et déphasé en même
temps, le tourbillon de visages et de sons et d'odeurs... tout ce qu'on ne
peut anticiper même si on sait que ce sera là.

Mon sac semble se remplir tout seul. Pour ceux qui connaissent mon chez moi,
je suis de nature plutôt désordonnée, à faire des petits tas de livres et de
paperasses par ci par là. Mais pas désorganisée. Et encore moins quand je
pars en voyage. J'ai une sorte d'instinct nomade, une liste de choses à
emporter et à faire qui se forme en une nanoseconde et ne cesse de me
surprendre. Comme des bulles qui font pop dans le cerveau et s'assemblent en
pensées rangées et efficaces. Effrayant, ça : j'ai une capacité quasi
psychorigide à organiser un départ en un minimum de temps avec un max
d'efficacité et ça fuse et ça vole et ça se range par ordre de besoins !
Dingue.

Tout à l'heure je terminais le mail à Rajesh par une phrase qui ressemble à
un slogan et qui me va bien :

Never a tourist - always a traveller.

Sur ces mots pleins de sagesse... Bye !

Miss Globe Trotter

28 juin 2005

namaskar a tous! Damned, j'ai un clavier qwerty

namaskar a tous!

Damned, j'ai un clavier qwerty sous la main... Je suis bien arrivee et en un
seul morceau. Vous avez du vous demander ce que je fabriquais ces jours ci.
Bon sang que les journees sont longues ! Allez on reprend tout dans
l'ordre...

Vendredi 24 et samedi 25 (comme une seule et longue, longue journee...)

La journee commence a 5h30 chez Carotte et JB a Paris. Le voyage debute par
un ticket de RER fugueur : hier il est tombe de ma poche et ce matin Carotte
le retrouve sur le trottoir !

Journee RER / avion avec de longues siestes et une longue attente au Yemen.
L'aeroport international de Sanaa consiste en une piece munie de chaises en
plastique dans laquelle on nous depose. Un type ventru et moustachu fait
office de panneau d'affichage et crie les destinations des correspondances.
Je vais le voir et lui annonce la mienne : il sort une liasse de tickets
d'embarquement de sa poche et me file le mien ! Ensuite l'heure de decollage
est approximative... on part avec une heure de retard.

Atterrissage a quatre heures du mat a Bombay : moins 3h30 pour la francem
c'est dire si je suis dans le coltar... je recupere mes sacs sans encombre
et sors de l'aeroport en cherchant un INdien brun avec des moustaches. Bon,
c'est comme chercher un suedois blond en suede... Heureusement j'engage la
conversation avec une indienne curieuse qui me prete son telephone.
J'appelle Rajesh et une ou deux minutes apres un INdien moustachu se
presente timidement. Il m'emmene prendre un rickshaw - un tuk tuk en fait-
sous la pluie battante. Sa femme Rajeshwari telephone pour savoir si je suis
bien arrivee. J'ai un bouquet de fleurs en guise de bienvenue. Nous
descendons dans une gare surpeuplee au milieu des gaz d'echappement et
Rajesh m'explique comment fonctionnent les trains tout en m'interdisant de
debourser une roupie pour payer mon ticket. Nous voila quittes pour une demi
heure de train et ma premiere decouverte de bo;bay. passee la gare c'est un
paysage multicolore de baches bleues et noires, de planches et de tole...
les bidonvilles, slum pour aller plus vite. Je suis intriguee par le manege
de gens accroupis le long des rails, un broc d'eau a portee de main. C'est
seulement apres avoir vu une paire de fesses que je comprends qu'ils
satisfont leurs besoins !!!

UN petit tour de rickshaw plus loin nous atterrissons dans une ruelle toute
destroy avec des murs qui s'effritent et la pluie qui nous trempe. Nous
montons au quatrieme etage et je rencontre la famille de Rajesh : sa soeur
Vijeya qui va se marier, sa mere Jayashree qui s'empresse de me servir un
the tres sucre et une sorte de semoule a la cardamome, son fils Jai qui est
tout frele et atteint de surdite et qui m'adopte aussitot... il y a aussi
Ravindra, son frere tres sympa ; Eknath que je rencontre un peu plus tard et
qui est le pere de famille, plein d'humour et de gentillesse. Et enfin
Rajeshwari, la femme de Rajesh, super adorable. Tout ce petit monde me
montre les deux pieces de la maison et la cuisine, les toilettes qui sont un
trou dans le sol mais ou ils ont suspendu un rouleau de papier a mon
intention... j'ai meme droit a de l'eau chaude pour me laver : un seau, un
recipient et on se debrouille... Apres quoi je suis cordialement invitee a
finir ma nuit, ce dont je revais vu mes yeux de chouette et mes cheveux en
vrac...

Je vais faire court parce que je ne peux pas vous resumer toute la
litterature que j'ai deja ecrite dans mon journal, il faudra attendre mon
retour pour ca...

Les faits marquants de la journee... Rajesh m'emmene faire un tour au bord
de la mer
. La mer : une immense flaque de boue entouree par une gigantesque
ville de 12 millions d'habitants. Je prends une photo d'un enfant appuye
contre un poteau, avec derriere lui la mer, et un pont sur lequel passe un
train. Autant que je decrive la photo puisque je ne la verrai jamais... je
remarque qu'apres le voyage qui m'a bien crevee, cette promenade paisible me
relaxe. A ce moment precis debarque un policier et le delire pur commence.
Il exige mon appareil photo. Interloquee, je lui demande pourquoi. Il ne
parle pas bien anglais et s'adresse a Rajesh : j'ai photographie un pont,
c'etait pas permis. Nous devons le suivre a son bureau. J'hallucine tandis
qu'il me prend l'appareil des mains... Au bureau cinq policiers moustachus,
baraques et pas commodes sortent une feuille de papier toute sale pour
ecrire leur rapport. Ils demandent mon nom. J'explique mais ils n'en ont
rien a faire. Mon appareil est pose sur la table. Rajesh s'explique. Le ton
monte. La moutarde aussi : resolument j'appuie sur les deux boutons qui me
permettent de rebobiner ma pelloche et des que c'est fait, je la sors de
l'appareil et la leur brandis : 'you can take this. Not my camera'. Je me
fais crier dessus. Ah bon, fallait pas ? Ils exigent que je la remette en
place. C'est le moment approprie pour verser une larme de pauvre potiche
etrangere qui n'y est pour rien, puisqu'ils n'aiment pas les femmes
determinees. UN des types bourru me beugle : don't cry ! C'est pas ca qui va
me rendre le sourire ! Ils me tendent mon appareil et je le range
prestement. Ils s'engueulent avec Rajesh... qui finit par me dire qu'ils
exigent 3000 roupies (ca me rappelle une frontiere a Dajabon, hein Laurent
?)> Rajesh refuse et en propose 300... ca marchande et brusquement, regard
desespere de Rajesh quand le policier enfourche une moto et nous crie
quelque chose. Il nous emmene au poste de police.Je demande a Rajesh : 
'Better or worse ?' et il hausse les epaules. AU poste de police un grand
type (mais pourquoi sont-ils tous intimidants au possible ???) ecoute
l'histoire de son policier qui omet l'histoire des 3000 rs, nous regarde
severement. Bien que je sois furieuse, je joue la touriste effarouchee et
affreusement desolee en m'accrochant comme une perdue a mon appareil... Il
me confisque la pellicule et marmonne : ok, go, go. En deux nanosecondes
Rajesh et moi filons comme des fleches dans la rue et sautons a pieds joints
dans un rickshaw. Il faut bien quelques minutes de silence et Rajesh tout
desole me prend la main et s'excuse. Ce n'est pas sa faute et heureusement
qu'il etait la ! Je lui assure que je ne vais pas reduire ma vision de
l'INde a cette mesaventure mais j'avoue que dans le feu de l'action,
l'espace de deux minutes, j'ai compte les jours jusqu'au depart...

Dimanche 26

Je suis choyee par toute la famille. Ils me font gouter toutes les
specialites auxquelles ils pensent, y compris une chique de bethel sans
tabac... et ont la gentillesse de me servir des repas moins epices que pour
le reste de la famille. Adorables. On partage beaucoup. Y compris le lit :
Rajeshwari et moi dans une piece et les sept autres dans la piece d'a cote
!!!

A midi Rajesh me dit qu'il va me guider jusau'a BLP. Je n'ai pas besoin de
demander quoi que ce soit, ils me devancent tous dans mes besoins et
questions. Seulement le dimanche a cette heure la le train est bonde. Rajesh
me laisse avec un groupe de femmes parce que les compartiments sont separes.
Je me demande pourquoi, je vais bientot comprendre... un train arrive,
debordant de tetes et de bras de femmes qui sont scotchees a la porte
ouverte. Le train n'est pas arrete que je me prends une vague de saris dans
la tronche et suis ejectee en arriere puis brusquement poussee, tiree,
noyee, entrainee, bousculee, jetee vers l'avant. Je me retrouve suffocante
collee contre une paroi et serree par quatre femmes. C'est ca un train
bonde. UNe lutte pour une place... Quarante cinq minutes jusqu's la gare de
Bhandra, scotchee nez en l'air contre des femmes et benissant le format
europeen qui me donne une tete de plus qu'elles...

Dans ces conditions mieux vaut effectivement separer hommes et femmes...

A Bhandra nous attrapons un bus et nous voila bientot dans les petits
bureaux (pardon : bocaux) de Bombay Leprosy Project. Je suis cordialement
accueillie par Dr Pai, Mr Karnath et le fondateur de l'ONG, Dr Ganapati.
Nous faisons connaissance et discutons pendant deux heures au terme
desquelles nous nous mettons d'accord : je rejoindrai BLP apres le mariage
de Vijeya, vendredi. Je ferai le tour de leurs hopitaux mais j'accompagnerai
aussi une de leurs equipes paramedicales dans le plus grand slum de Bombay,
Dharavi, qui compte plusieurs millions de personnes. Je serai logee avec une
etudiante en medecine ecossaise.

Rajesh deplore le fait que je quitte la famille si tot mais je compte
revenir au moins deux fois, avant et apres la marche du sel.

Il m'offre un penjabi, nous allons a la plage (ciel gris gaz, eau marron,
sable invisible sous les dechets...) puis dans un temple hindou. Et nous
rentrons.

Lundi 27

Je continue de trouver cette famille adorable. Samedi Rajesh avait pris un
jour de conge pour m'accueillir et aujourd'hui c'est sa femme. Nous emmenons
Vijeya au salon de beaute pour la preparer pour le mariage.

Et puis elles m'offrent un sari. Ce n'est pas une mince affaire : elles en
font deballer une trentaine de couleurs differentes mais selon un certain
schema qui correspond a leur caste... Horreur, malheur, enfer et damnation,
elles me trouvent un sari rose !!! Devant mon manque d'enthousiasme elles
m'emmenent dans une autre boutique et me trouvent un joli sari de soie rouge
brode d'argent. Je cesse d'argumenter : toujours pas le droit de sortir une
roupie...

Enfin me voila ici en fin de journee... il est 20h.


J'espere que ce petit tour avec moi vous donne une idee de ce que je vis
bien qu'il vous manque les bruits, les odeurs, les couleurs...

Si le coeur vous en dit envoyez moi quelques nouvelles individuelles, ca me
fera plaisir. Courage a ceux qui bossent...

Bises a tous et plein de bonnes choses, a bientot

Heliette

28 juin 2005

Bonjour a tous ! Suite des aventures... etant

Bonjour a tous !

Suite des aventures... etant donne que je suis au bureau de Rajeshwari ce
matin. Elle travaille pour une compagnie de formation maritime. Nous avons
donc traverse tout Bombay en bus pour venir et j'ai pu decouvrir que les
slums ne sont pas a la peripherie mais en plein coeur de la ville partout ou
il y a un terrain vague, une colline, un pre...se dressent des tentes de
fortune faites de baches et de tole, de planches et de cartons. En periode
de mousson tout est trempe et inonde.  C'est sale et pourtant de ces slums
sortent des gens en costard impeccable et des femmes aux saris propres et
colores... allez comprendre, ce n'est pas parce qu'on vit dans un taudis
qu'on perd forcement toute dignite. Le pire c'est que les habitants des
slums payent un loyer pour leur tas de planches.

Je pensais m'ennuyer toute une journee au bureau mais finalement, ce matin,
deux capitaines de navire se promenaient avec un livre de Chogyam Trungpa
sous le bras. Comme Rajeshwari me les presentait je leur ai dit que j'avais
lu ce livre d'enseignements bouddhistes. Les voila intrigues. Et donc je
viens de passer deux heures a parler bouddhisme avec eux dans leur bureau, a
echanger sur la spiritualite et les diverses religions pratiquees en France.
Puis a parler de l'enseignement.

Alors je vous parlais des saris, des penjabis, mais pas du cote incorrigible
de mes hotes. Figurez-vous qu'on me traite comme une princesse. Chaque fois
qu'un membre de la famille sort de l'appart je me demande ce qui va se
passer ; jusqu'ici Rajeshwari n'a rien trouve de mieux a faire que m'offrir
des bracelets, Vijeya des boucles d'oreille, Rajesh un pantalon, et j'ai
beau protester rien n'y fait...

Quelques rubriques pour satisfaire les questions que vous ne m'avez pas
posees...

- A table !
Je vous ai parle du sheera, cette sorte de semoule sucree qu'on sert pour
souhaiter la bienvenue mais aussi en puja dans les ceremonies hindoues. Ca
fleure bon la cardamome. Autrement nous mangeons du riz prepare de
differentes manieres, du dal - sauce aux lentilles corail delicieuse - et
des pommes de terre pimentees. Jusqu'ici j'ai aussi goute des beignets de
legumes avec une sauce verte, et comme j'ai commis l'erreur de demander 'why
is it green ?'avant d'en manger j'ai appris que c'etait le piment qui
donnait cette couleur... Avertie mais douloureusement ! On m'a servi des
chapatis, sortes de crepes. Et des desserts en veux-tu en voila, vive le
sucre et la cardamome...
Deux regles d'or a table : on peut roter allegremenemt, il n'y a que moi qui
sursaute ; on ne peut pas detourner les yeux deux secondes de son plateau
sinon Jayashree sevit avec sa louche et verse une double ration !!!
Je disais que j'ai aussi goute le bethel, mais quoi ca etre ? C'est une noix
rapee, au gout proche de la muscade. Une chique de bethel est tout un art :
des types se promenent dans la rue avec un plateau et a votre demande, ils
prennent la feuille comestible d'un arbre (non identifie), y barbouillent un
liquide rouge (non identifie), y sement quelques pelures de noix de bethel
et quelques graines de fenouil ainsi que quelques graines de...??? (non id.)
et quelques pincees de...??? et enveloppent le tout dans la feuille. On peut
demander d'y ajouter du tabac mais bien sur je m'en suis passee. Ensuite on
se trouve face a un truc de la taille d'une grosse tartine qu'on doit
enfourner et macher jusqu'a ce que la machoire capitule. Ceux qui ont du
tabac crachent des jets de liquide rouge a intervalles reguliers, il faut
donc devenir expert en bonds sur le cote parce qu'ils ne regardent jamais ou
ils visent. Le gout ? Particulier. Rafraichissant et tonique, fort et
subtil...

- Definition :
Une averse de mousson, c'est quoi ? C'est avoir le temps, en recevant une
goutte de pluie, de dire : 'tiens...' et etre trempe comme une soupe quand
on a fini de dire '...il pleut'. Ca peut durer cinq secondes (si si ! Hier,
montre en main !) ou cinq heures. Ca tombe dru comme un orage. Ca vous tombe
dessus sans prevenir...

- Criteres de recrutement de la police indienne (en tout cas ceux que j'ai
croises) :
Avoir une mine patibulaire, une grosse moustache noire et une carrure
respectable.
Neurones en option.

- Les 35 heures : ici c'est le temps de travail reparti sur trois jours.
Mais bien sur on bosse six jours sur sept, quand on a de la chance. Quand on
n'en a pas on trime jour et nuit pour survivre.

- Les p'tits boulots
C'est varie et original. On peut devenir creatif quand on n'a rien a se
mettre sous la dent. Ainsi on trouve pas mal de livreurs de the. Des
conducteurs de rickshaws aux vendeurs de samosas en passant par les videurs
de poubelles, les coiffeurs, cordonniers et tailleurs sans boutique qui
bossent sous une bache dans la rue, les 'repasseurs', etc.

- Mariages du Maharashtra : je vous dirai tout ca apres celui de Vijeya,
jeudi.

- Une rue
C'est d'abord un trottoir jonche de detritus de toutes sortes, du papier a
l'emballage plastique (heureusement qu'en Inde les produits ne sont pas sous
emballage comme en France !) et parseme de trous auxquels il faut prendre
garde, logis des rats et des gamins des rues qui cherchent dans ces monceaux
d'ordures de quoi survivre.
Ensuite c'est une voie encombree de rickshaws, pietons, voitures, velos,
trous, bosses, boue, eau, dechets...
Ca vous deprime ? Ce qu'il faut voir, ce sont les gens, pas les choses.
C'est sale, c'est trempe, il pleut tout le temps, c'est pauvre - ou les gens
vont-ils donc chercher ces sourires lumineux, ces rides de joie au coin des
yeux, cet accueil chaleureux ? J'y vois une lecon a tirer sur l'importance
des valeurs essentielles de la vie, que l'on a peut-etre perdues, et qu'ils
possedent toujours.


J'avais un PC sous la main ce matin mais ce ne sera pas toujours le cas,
donc si vous me trouvez bavarde dites-vous bien que par la suite je n'aurai
pas toujours le temps d'en ecrire aussi long. Mais ce sont les premieres
impressions, c'est bien de pouvoir vous les ecrire...

Profitez bien de vos vacances - a bientot

Heliette

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les récits d Heliette
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